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A bouche décousue

« À bouche décousue » : travail de peinture en relation avec le livre de Geneviève Bertrand : À bouche décousue.

À bouche décousue

Elle marchait

Regard aimanté à la césure de l'horizon

Au ventre

Le poids gravide d'une nécessité

Chemin disloqué de lumière

Le soleil pesait son poids de plomb

Paysage désertique Inquiétude sourde

Une certitude intérieure dirigeait sa course

Chaleur Devenue Poussière

Acreté à la gorge

Où accoucher de ce fardeau clandestin

Cet enfant non enfanté

Où pourra-t-il se dresser Grandir

Elle marchait

sous l'emprise d'une exigence secrète

Le vent aiguisait l'espace

Une falaise habitée d'oiseaux

s'ouvrit au repos d'une nuit

Moment réconcilié comme sève féconde

Fragments d'enfance émergés à la surface

recousus à l'intime du paysage

Elle reprit sa marche

à l'aube d'une parole promise

Regard ébloui Plissure solaire

Elle marchait encore Cherchait

Fallait-il creuser un trou

Lui confier

Le cri

jamais osé

Il était là noué aux entrailles

étouffé dans la gorge

ligoté par la peur de lui-même

Cri non crié

imprimé au fond des cellules

Cri resté muet

à l'heure de la perte de la mort du déni

enfoui sous des couches fossilisées

transformé en nodules de chair

Alors

Elle lava d'eau fraîche ce cri avorté

Lui rendit justice

Ivre de fatigue

elle continua la piste

Une urgence sans faille

creusait son évidence

Il fallait délivrer l'Autre cri

sauvage indompté irrépressible

Cri d'exultation

enclos dans les tissus

prêt à éclore

Cri en arme et en amour

à l'heure où

la bouche décousue

s'apprêtait à lui livrer passage

Oui

Elle marchait vers ce cri primordial

Part de liberté intime inaliénable

à fleur d'âme

Part de Nudité

à nul désir saisissable

Un froissement blanc parcourut l'espace

Geneviève Bertrand

L'Enceinte - Lieu d'accueil